Togo - Il veut passer par la poésie pour
promouvoir la justice et l’équité sur terre. Homme de lettres, Ananivi Hosé
Koudouovoh, sonnettiste « hors pair », fait reconnaître la place du Togo dans
le concert des nations. « Je voudrais que
le Togo sorte de sa léthargie, le Togo est l’or de l’humanité et l’or de
l’humanité doit briller. Mais pour que l’or brille, il doit passer par le feu.
Et le temps où le Togo est passé par le feu est déjà passé car c’est du Togo
que va jaillir la paix mondiale », a-t-il indiqué dans une interview
accordée à l’Agence de presse Afreepress. Il est considéré comme le roi du
sonnet, une forme de poésie à forme fixe, fait d’alexandrins. Pour d’autres
encore, c’est l’élève lointain de Victor Hugo et de Voltaire. Pour lui, on doit
intégrer l’enseignement de la poésie dans l’éducation dès le bas-âge.
Lire
l’interview
Afreepress.info : Bonjour Monsieur Ananivi Hosé Koudouovoh,
trois recueils de poèmes dédicacés en quelques mois et vous avez encore
plusieurs écrits, pourquoi avoir attendu aussi longtemps pour sortir de l’ombre
?
Ananivi Hosé Koudouovoh : Le
poète doit savoir quand il faut sortir de l’ombre, sinon on est englouti dans
la masse automatiquement. Je fais le travail de poète depuis 21 ans au moins et
la publication de mes premiers poèmes remonte à 2008 dans mon blog « Tempo di
Africa » qui est lu sur les cinq continents dans 102 pays au moins dans le
monde et qui est traduit en 42 langues. Cela veut dire que je ne suis pas dans
l’ombre.
Afreepress.info : Aujourd’hui, vous mettez à la disposition
de vos lecteurs trois recueils, à savoir Lamentations
sur la Côte d’Ivoire, L’Entrée dans le repos de l’Éternel et Sel et lumière
dans ma cité. De quoi parlent ces trois recueils ?
Ananivi Hosé Koudouovoh : Ces
trois recueils ont un fil d’Ariane qui les unit, c’est une façon pour moi de
promouvoir la justice et l’équité sur la terre. Le premier recueil était un cri
de détresse mais aussi une tentative de faire parler l’Afrique qui était
désorbitée, sans voix lorsque la
communauté internationale, avec l’aide des dirigeants africains, a tenté de
détruire la Côte d’Ivoire et d’arrêter le Président Laurent Gbagbo. C’était
pour moi un plaidoyer pour la reconstruction de ce beau pays. L’Entrée dans le repos de l’Éternel fait
flamboyer l’avenir et ça nous permet de nous interroger sur notre pays le Togo,
sur l’Afrique qui est mon continent et sur le monde entier. J’ai une ambition,
c’est d’étendre de nouveaux cieux et de fonder une nouvelle terre pleine de
justice et d’équité.
Afreepress.info :
Vos écrits font flamboyer l’avenir. Que voulez-dire par là ?
Ananivi Hosé Koudouovoh : Je
voudrais que le Togo sorte de sa léthargie, le Togo est l’or de l’humanité et
l’or de l’humanité doit briller. Mais pour que l’or brille, il doit passer par
le feu. Et le temps où le Togo est passé par le feu est déjà passé car c’est du
Togo que va jaillir la paix mondiale. Cette paix mondiale est prête à jaillir
d’un instant à l’autre et ce sera visible dans les plus brefs délais. Moi je le
vis déjà, c’est pourquoi j’en parle parce que le même esprit qui a animé le
poète Dosseh-Anyron pour écrire l’hymne national, c’est le même esprit qui
m’anime et qui me permet de dire ça sans crainte ni frayeur.
Afreepress.info : Un mot sur la forme de vos poèmes. Monsieur
Koudouovoh, vous adorez le sonnet, poème à forme fixe avec des rimes et des
alexandrins. Dites-nous, vous êtes considéré comme le roi du sonnet, comment
arrive-t-on à chaque fois à accoucher des sonnets sans discontinuer ?
Ananivi Hosé Koudouovoh : Je suis
un artiste qui travaille avec parcimonie, je ne veux pas écrire un texte qui
n’est pas parfait, c’est pourquoi je prends du temps. Et lorsque je suis
inspiré, je travaille avec beaucoup de rigueur. Mais le problème avec le temps,
je suis tellement habitué au sonnet que je n’en souffre pas. On dit que ce qui
se conçoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément.
Mon inspiration me vient de Dieu et c’est son esprit qui me communique souvent
ce que j’ai à écrire. Et si je me connecte à l’Esprit, les choses arrivent
aisément. Mais il faut reconnaître que je fais un travail patient depuis des
années dans l’ombre. J’ai appris à écrire le sonnet dès 1995, j’ai lu presque
tous les grands sonnettistes depuis le XVIème siècle, même depuis le Moyen-âge.
Je les ai lus et j’ai incorporé leurs textes en mon âme et pour écrire, les
choses sortent aisément. Mais c’est un travail patient. J’ai appris à maîtriser
l’alexandrin, j’ai appris à maîtriser les poèmes de quatorze vers, ensuite,
j’ai appris à rimer sans problème pour que les rimes ne soient pas forcées et
pendant longtemps, j’ai été joueur de lettres, ce qui fait que j’ai lu presque
tout le dictionnaire au moins deux fois, les mots sont connus, c’est pourquoi
ils viennent.
Afreepress.info : En quoi vous êtes le roi du sonnet ?
Ananivi Hosé Koudouovoh : Je suis
le roi du sonnet parce que historiquement, aucun poète n’a écrit plus de
sonnets que moi. Celui qui en a écrit le plus, c’est Joachim Du Bellay mais il
en a écrit 323, mais moi, j’ai déjà publié 442 sonnets dans mon blog Tempo di
Africa et j’ai plus de 500 sonnets à mon actif, c’est pourquoi je suis le roi
du sonnet.
Afreepress.info : On fait de vous aussi l’élève lointain de
Voltaire et Victor Hugo.
Ananivi Hosé Koudouovoh : Le
problème, c’est que mon engagement littéraire est un engagement qui transcende
tous les clivages, politique, religieux, culturel, si bien que comme je n’ai
pas froid aux yeux, comme je dis ce que j’ai à dire de façon crue, sans
ménagement, mais de façon artistique, les gens ont compris que l’engagement que
j’ai aujourd’hui, ressemble à l’engagement de Voltaire et de Victor Hugo en
leur temps. Sauf que moi, j’écris et je ne fuis pas, je suis là et je dis ce
que j’ai à dire ouvertement, sans vivre en exil.
Afrepress.info : Mais il faut reconnaître que ce n’est pas
tout le monde qui comprend ce que vous écrivez et lorsque vous vous attaquez à
quelqu’un, il faut qu’il vous comprenne d’abord.
Ananivi Hosé Koudouovoh : Je ne
m’attaque pas aux gens, je n’écris pas pour détruire un homme, j’écris pour que
Dieu les émonde, en écoutant la voix de l’Éternel, qu’ils se transfigurent.
C’est la transfiguration que je recherche, je cherche à les améliorer et ce
travail, ce n’est pas seulement vers les hommes politiques ou les leaders
d’opinion, je fais un travail sur moi-même tous les jours. Chaque fois que Dieu
me pointe du doigt une tâche, une pourriture, je l’enlève. Dans mes recueils
j’écris pour m’émonder moi-même, pour me transfigurer. Je n’écris pas pour
détruire les hommes politiques ou les leaders religieux. Si le poète est là et
qu’il peut s’intéresser aux besoins vitaux de la société, pourquoi ne
voulez-vous pas qu’il parle des choses de façon véridique pour améliorer la
situation dans son pays ?
Afreepress.info : À chaque fois, il y a un mot qui vient,
Dieu. Quel rapport entre Dieu et la poésie ?
Ananivi Hosé Koudouovoh : Dieu
est le plus grand poète ; il est le seul à utiliser prioritairement les poètes
pour parler ; il n’y a pas un seul écrivain dans la Bible qui ne soit pas
poète. Comme la poésie est l’art de dire de la meilleure façon les choses, Dieu
ne peut s’adresser à des gens qui ne peuvent pas dire les choses de la
meilleure façon. C’est pourquoi il y a une relation entre Dieu et les poètes.
Victor Hugo disait que la poésie est l’étoile qui mène à Dieu, rois et
pasteurs. Je suis dans la même lignée que lui.
Afreepress.info : Aujourd’hui, quel conseil donnez-vous à la
jeunesse qui s’intéresse à l’art poétique ?
Ananivi Hosé Koudouovoh : On doit
intégrer l’enseignement de la poésie dès le bas âge, on doit veiller à ce que
celui qui enseigne la poésie ne soit pas simplement là pour faire de la
figuration. Les professeurs doivent aimer la poésie et on doit savoir qu’ils
communiquent aux élèves leur passion de la poésie. Quand celui qui enseigne n’a
pas lui-même la passion de ce qu’il enseigne, ça ne touche pas les cœurs. Aux
jeunes poètes et aux poètes en herbe, je voudrais qu’ils ne divinisent pas
seulement l’inspiration mais qu’ils fassent un travail patient, raisonné,
approfondi, qu’ils s’intéressent aux grands poètes qui les ont devancés, on
apprend beaucoup à les lire et c’est ensuite qu’on peut arriver à leur
ressembler et à les dépasser. Ce n’est pas avant.
Afreepress.info : Dans Lamentations
sur la Côte d’Ivoire, vous avez fait un sonnet pour Laurent Gbagbo par
rapport à la crise ivoirienne dernière. Qu’avez-vous dit à Gbagbo ?
Ananivi Hosé Koudouovoh : Le
sonnet pour Laurent Gbagbo est un hommage à un homme politique qui a lutté pour
l’affirmation des valeurs culturelles africaines. Laurent Gbagbo a voulu que la
Côte d’Ivoire soit respectée dans le concert des nations, que la Côte d’Ivoire
ne soit pas un canton de la France colonialiste du Président Nicolas Sarkozy et
avant lui, un canton de la France du Président Jacques Chirac. Il a défendu la
Côte d’Ivoire bec et ongles contre ceux qui de loin ou de l’extérieur voulaient
leur donner des ordres et ça a déplu à la communauté internationale, à
l’Occident conquérant et avec l’aide des pachas africains, on l’a délogé. Mais,
il a fallu qu’un homme comme ça soit là pour que ma poésie émerge parce que
pendant longtemps, j’ai écrit mais je n’ai pas fait de la satire. J’ai écrit,
rien que des textes élogieux, j’abondais plus dans l’épopée que dans la satire.
Il a fallu que Laurent Gbagbo lutte et qu’il soit arrêté et déporté pour que ma
voix émerge et ma voix sera écoutée par des millions d’Africains.
Afreepress.info : Nous allons parler d’un poème particulier,
le texte de l’hymne national, la « Terre de nos aïeux ». Qu’en
savez-vous ?
Ananivi Hosé Koudouovoh: La
Terre de nos aïeux est un hymne fédérateur qui effrite les tyrans et qui fait
flamboyer l’avenir radieux du Togo, or de l’humanité qui doit briller comme une
étoile au firmament, pour fédérer toutes les nations, pour amener vers la terre
de nos aïeux, tous ceux qui pendant longtemps nous ont opprimés et tous ceux
qui pendant longtemps ont cru que nous étions des marionnettes, alors que nous
ne sommes pas faits pour en être une, nous sommes faits pour être la tête de
pont du monde entier. Moi, je vois déjà briller l’aurore et je sais que le pan
là est déjà venu.
Afreepress.info : Un mot de fin
Ananivi Hosé Koudouovoh : Je veux
que mes lecteurs lisent mes textes sans préjugés et qu’au lieu d’aller à la
critique destructrice, qu’ils s’évertuent à trouver la rhétorique profonde de
mes textes, chose sans laquelle, on ne comprend pas les textes qu’on ne peut
pas juger dans ce cas. Mon engagement littéraire est d’abord un engagement
humain, j’ai compris qu’on ne peut pas prétendre servir Dieu en chosifiant, en
piétinant, en asservissant autrui.
Propos
recueillis par Kofi Telli en avril 2014 à Lomé. Source Afreepress
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