À
la Délégation de l’Union Européenne (UE) au Togo, s’est tenu ce jeudi un forum
sur la décentralisation et auquel ont pris part des jeunes Togolais. L’une des
trois (3) communications qui ont meublé ce forum, a été l’œuvre d’un écrivain
togolais, professeur de littérature française et Secrétaire administratif de la
Dynamique pour la Restauration du Peuple de Dieu et le Progrès Social
(DRPDPS).
Ananivi
Hosé Koudouovoh a fait savoir aux participants que pour la réussite de la
décentralisation, le Togo ne doit pas copier ce qui se fait ailleurs. Mieux,
a-t-il proposé, il faut que la décentralisation au Togo soit axée sur les chefs
des localités, communément appelés « chefs traditionnels ».
Dans
cette interview accordée à Global Actu, l’homme décortique sa proposition et
qualifie le processus tel que conduit aujourd’hui de « processus qui va à
la dérive ». Et les raisons avancées pour justifier cette manière de
penser ne profitent ni à l’opposition, ni au pouvoir.
Lire
plutôt
Question : Vous avez communiqué ce jeudi, lors du forum des
jeunes sur le processus de décentralisation et des élections locales au Togo
qui s’est tenu à la Délégation de l’Union européenne au Togo, sur le thème des
enjeux de la décentralisation dans ce pays. Qu’avez-vous dit aux jeunes participants ?
Ananivi Hosé Koudouovoh : J’ai dit aux jeunes du forum sur la décentralisation que
nous avons hérité de la colonisation, un système qui ne permet pas à nos
populations de se développer comme il faut. Après la Conférence de Berlin,
l’Afrique a été morcelée et divisée et on a retiré à nos chefs leur pouvoir et
leur lustre d’antan. Malheureusement après les indépendances, nous avons
toujours fait les mêmes choses. De la capitale, on décide pour les autres
parties du pays, sans consulter forcément les chefs et la population de base.
En décidant pour les gens de cette façon, nous avons continué la politique du
colon. Bien longtemps après les indépendances, nous végétons toujours dans la
boue, dans l’immobilisme et la laideur.
Nous sommes en plein dans un processus de décentralisation qui
va probablement nous conduire aux premières élections locales depuis 30 ans. Le
savez-vous ?
Le
Togo qui est l’or de l’humanité, ne doit pas singer des modèles de
décentralisation venus d’ailleurs et qui ont montré leur limite. Ce que je
propose pour le Togo, c’est que nous donnions aux chefs leur lustre d’antan,
que nous leur donnions le pouvoir de développer leur localité. Si nous donnons
aux chefs le pouvoir de développer leur localité, nous allons régler beaucoup
de problèmes, les problèmes fonciers, de chefferie. Ainsi notre pays va se développer
de façon étonnante, cela va faire tâche d’huile dans la sous-région, en Afrique
et dans le monde.
Comment est-ce que le pouvoir sera donné aux chefs ? Ce que
vous proposez, c’est que les chefs traditionnels soient élus ?
Dans
toutes les localités, on connaît les chefs légitimes et si nous voulons bien
faire les choses, on n’aura pas à dire aux localités celui qui doit régner chez
elles. La façon dont les choses se faisaient dans le temps évitait toute
dispute, je crois qu’il faut remettre les pendules à l’heure. Les chefs de nos
localités ne doivent pas être nommés par décret, dans la mesure où nous savons
que la plupart des décrets sont pris pour mettre en place des gens à la
solde du pouvoir central.
Vous ne dites pas comment cela doit se passer. Les chefs dont
vous parlez doivent être élus ? Si c’est le cas, on vous dira que chaque
localité à l’origine, a sa manière de choisir son chef.
Il
faut laisser à chaque localité le soin de désigner son chef pour qu’on évite
des conflits liés à la chefferie. Il y a souvent un collège qui choisit les
chefs traditionnels, comme nous aimons les appeler. C’est ce collège-là qui
doit faire son travail. Si nous nous référons à un passé récent, les mêmes
problèmes qu’on a aujourd’hui n’existaient pas. Il faudrait qu’on laisse aux
localités le soin de choisir leur chef.
Prenons un exemple concret. À Lomé par exemple, qu’est-ce qui
peut être fait ?
À
Lomé, il y a le canton de Bè. Si nous respectons le choix des chefs de la
localité et si nous savons que le choix n’a pas été manipulé par le pouvoir
central pour mettre à la tête un béni-oui-oui ou quelqu’un à sa solde, c’est
que c’est un choix légitime qui peut permettre à la localité de se développer
comme il se doit.
Lomé n’est plus ce qu’elle était il y a longtemps. On choisit un
chef à Bè et son pouvoir va s’étendre jusqu’à Adidogomé, Agoè et
autres ?
Ce
n’est pas ce que je dis. On respecte les cantons, les villages et les
quartiers, chacun aura son rôle à jouer. On ne va pas réinventer la roue mais
on peut partir de là pour que la décentralisation soit vécue de façon plus
efficace.
Quand on parle de décentralisation, la chose n’est pas aussi
aisée que ça. Une idée de la gestion des affaires publiques suivant votre
proposition ?
La
gestion des affaires publiques par les chefs n’est pas de la mer à boire. Les
chefs, les notables et le conseil de développement villageois ou le conseil de
développement à la base savent ce qui les attend. Chaque localité fera en sorte
que les objectifs à atteindre pour le bien-être de la population soient
atteints dans les meilleurs délais sans démagogie.
En quoi le modèle de décentralisation que vous proposez, est
particulier au Togo ?
C’est
ce qu’il faut pour le Togo qui est l’or de l’humanité et qui doit proposer la
paix à toute la création. Ce que je propose, je ne l’ai pas copié quelque part.
Je me suis inspiré de la façon de diriger avant la colonisation.
Mais
surtout, pour que les choses s’améliorent, parce que nous continuons de vivre
dans l’omni-niant crachat, j’ai consulté Dieu et j’ai voulu savoir comment on
va faire pour que les choses s’améliorent et pour que chacun à sa manière, joue
son rôle pleinement. C’est ce que j’ai reçu du Seigneur que je propose au
peuple togolais.
En matière de décentralisation, il peut survenir des problèmes
entre autorités déconcentrées et locales. Pour résoudre ces problèmes, ce sont
les juridictions administratives qui sont compétentes. Dans votre modèle,
qu’est-ce qui est prévu ?
Dans
cette façon de redonner le pouvoir aux chefs des localités, il n’y aura plus le
rôle du préfet, ni celui du maire parce que ces entités ont été envoyées par le
pouvoir central qui est héritier du colon, même le maire. Les deux sont envoyés
pour chaperonner les chefs des localités et d’une manière ou d’une autre, ils
lui dament le pion. Comment est-ce que dans ce cas, le chef de la localité peut
se sentir bien pour gérer au mieux les affaires de la cité ? Dans ma
vision des choses, préfets et maires n’auront plus leur place. Le rôle pour le
bien-être de la localité, sera joué par le chef, les notables, les jeunes et
tous les ressortissants, s’ils acceptent de vivre sous la bannière du chef.
Alors dites-nous, le processus de décentralisation tel que
conduit aujourd’hui, qu’en pensez-vous ?
Ce
processus nous amène à la dérive. Nous sommes là au Togo depuis 57 ans, peut-on
montrer une localité qui s’est développée ? Le phosphate de Hahotoé n’a
jamais fait en sorte que le peuple qui est là-bas soit à l’aise, le fer de
Bandjéli n’a jamais profité aux autochtones et ailleurs même Lomé la capitale,
jusque-là, nous ne l’avons jamais développée. Les travaux d’aménagement des
routes ont commencé depuis 12 ans. Qu’a-t-on fait pendant les 40 ans qui ont
suivi les indépendances ?
Je
voudrais proposer au Togo une façon de sortir de l’ornière, du bourbier dans
lequel nous avons toujours vécu. Du Togo qui est un petit pays, peut jaillir
une flamme qui va embraser toute l’Afrique et aller aux confins du monde. Nous
devons cesser de croire que la solution adéquate à nos problèmes, surtout à
celui de la décentralisation va venir d’ailleurs. La solution sera
endogène ou elle ne la sera pas.
Propos recueillis par Kofi Telli le 8 juin
2017 pour Global Actu
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